Protéine

Vers un retour en grâce des protéines végétales

Introduction

La planète se retrouve devant un défi de taille : couvrir les besoins en protéines des humains qui l’habitent et de leurs animaux domestiques. Ceci, sans épuiser les ressources naturelles. Déjà, une chose est sûre : les protéines végétales doivent garder une part importante dans le cadre d’une alimentation durable et équitable. Voilà pourquoi, les Nations Unies ont déclaré que 2016 serait l’année internationale des légumineuses. Lentilles, pois-chiches, fèves et haricots sont ainsi mis à l’honneur dans un but bien précis : sensibiliser les populations aux avantages nutritionnels de ces aliments riches en protéines, mais aussi à leurs avantages environnementaux.

 

En effet, les légumineuses possèdent un véritable « superpouvoir » : grâce à une association avec une bactérie, elles peuvent assimiler l’azote de l’air. Elles n’ont donc pas besoin d’engrais chimiques pour croître. Lorsque l’on sait que la principale contribution de l’agriculture au réchauffement global provient de la production d’engrais azotés, on comprend pourquoi les légumineuses ont un vrai rôle à jouer dans un contexte d’agriculture durable. Par ailleurs, les légumineuses ont toute leur place dans une alimentation équilibrée et variée : de plus en plus de travaux scientifiques montrent que leur consommation a des effets très positifs sur la santé, et qu’elles pourraient aider à combattre certaines maladies telles que le diabète ou des affections cardiovasculaires.

 

Mais malgré tous ces avantages, la consommation de protéines végétales n’a cessé de se réduire dans la plupart des pays développés, et parmi les populations aisées des pays émergents. Comment renverser cette tendance, et donner une impulsion à des filières basées sur les légumineuses ? Voilà la question que se posent tous les jours les chercheurs de l’Inra. Un grand retour des protéines végétales passe par un effort d’innovation auquel s’attachent les laboratoires. Innovations agronomiques et industrielles, développement de nouveaux produits adaptés aux modes de vie du XXIème siècle : voilà quelques aspects qui mobilisent les chercheurs. Mais l’essor des protéines végétales passe aussi par une meilleure connaissance de leurs propriétés alimentaires ainsi que par une analyse plus fine des verrous économiques qui fragilisent la filière.

 

Voici donc, un tour d’horizon de ces travaux qui, à coup sûr, vous rendront le plaisir des pois, lentilles et haricots.

 

« Dans une alimentation équilibrée, les protéines végétales viennent tout naturellement »

 

 

Jean Michel Chardigny est directeur de recherches Inra au Département Alimentation Humaine, chargé de mission pour le département et la Direction Scientifique Alimentation et Bioéconomie. Il anime notamment une réflexion à l’Inra sur la question des protéines « durables ».

 

 

 

En 2050, la terre portera 9 milliards d’êtres humains. Quel sera alors le rôle des protéines végétales ?
Jean-Michel Chardigny : Les études prospectives montrent en effet que la tension alimentaire reposera sur les protéines plutôt que sur les lipides et glucides. Or, les protéines végétales peuvent être produites à un moindre coût environnemental et énergétique. Voilà pourquoi il faut trouver un équilibre entre sources végétales et animales de protéines. En Occident, on consomme un tiers de protéines végétales pour deux tiers de protéines animales, alors que les recommandations internationales préconisent plutôt que ce soit moitié moitié. Nous devons donc consommer un peu moins de protéines animales et un peu plus de protéines végétales, et permettre ainsi l’accès aux produits animaux à une plus grande partie de la population mondiale.

 

Les protéines végétales sont donc un élément majeur de l’alimentation durable ?

J.-M. Chardigny : Oui. Elles font partie d’un ensemble de leviers pour atteindre cet objectif, et qui peut inclure d’autres sources de protéines émergentes comme les algues, les insectes, les levures, qui sont des approches plus biotechnologiques. En tout cas, couvrir les besoins en protéines, reste un challenge à l’échelle de 2050.

 

Doit-on parler de compétition entre protéines végétales et animales ?

J.-M. Chardigny : Ce n’est surtout pas une compétition, mais une complémentarité, basée notamment sur des apports équilibrés en acides aminés, les briques qui constituent les protéines. A la différence des sucres et des matières grasses, nous n’avons pas la capacité de stocker des acides aminés. On doit donc trouver des apports réguliers et équilibrés dans notre alimentation afin de maintenir notre masse musculaire et les fonctions liées aux protéines.

 

Pensez-vous qu’au niveau politique, l’on a conscience de l’importance des protéines végétales ?

J.-M. Chardigny : Probablement pas assez. Par exemple, en France, les légumineuses sont encore classées parmi les féculents qui ont cette connotation négative d’aliments riches en sucre. On en est encore aux schémas des manuels scolaires : les protéines proviennent du trio viande, poisson, œufs, et l’on oublie les lentilles, les pois, les haricots secs. Il y a donc encore un peu de chemin à faire au niveau des politiques publiques et des recommandations alimentaires.

 

Voit-on une intensification de l’effort de recherche, notamment à l’Inra, autour des protéines végétales ?

J.-M. Chardigny : L’Inra s’intéresse aux légumineuses depuis des dizaines d’années, notamment sur leur génétique et l’amélioration des variétés. Mais il y a bien un regain d’intérêt, en lien notamment avec les tensions que l’on peut anticiper au niveau mondial vis-à-vis des besoins en protéines. Ce que l’on essaie de faire aujourd’hui, c’est de voir les protéines végétales de façon intégrée, dans une approche système qui inclut aussi l’économie ou la relation avec les territoires.

 

Quels sont les verrous à lever pour augmenter la part des protéines végétales ?

J.-M. Chardigny : Il y a des verrous au niveau de la production. La culture des légumineuses permet de réduire l’utilisation d’engrais azotés, mais, dans la comptabilité des agriculteurs, ce bénéfice n’est pas mesuré. L’une de nos priorités est de mesurer la valeur des services écosystémiques, tels que l’enrichissement en azote du sol, qu’offrent les légumineuses. D’autres verrous se trouvent au niveau de l’offre en produits contenant des protéines végétales. Celle-ci est encore limitée si on compare à l’offre en viandes ou produits laitiers.  Il faut pouvoir lever ces verrous ensemble, sinon, on ne pourra développer une filière qui est encore fragile.

 

De nouveaux produits permettraient donc de rééquilibrer la balance en faveur des protéines végétales ?

J.-M. Chardigny : On peut l’espérer. Il y a des chercheurs et des entreprises qui travaillent sur des produits innovants acceptables par le consommateur et qui s’adaptent au mode de vie du 21éme siècle. Ceux-ci pourraient changer l’image des protéines végétales qui sont encore considérées comme l’aliment du pauvre. Ce sont de vieux préjugés contre lesquels il faut lutter.

 

Et vous, comment consommez-vous les protéines végétales ?

J.-M. Chardigny : Là-dessus, je ne suis pas très innovant ! Je consomme des pois-chiches en salades, dans le couscous et la paella. J’aime aussi les lentilles dans des plats cuisinés. Cela fait partie de mon alimentation et je ne me demande pas si les protéines végétales sont bonnes pour ma santé, ou si je me dois d’en consommer. Quand on a une alimentation équilibrée, les protéines végétales viennent tout naturellement.

 

Le grand retour des légumineuses

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Les dernières décennies ont transformé les légumineuses en une production devenue marginale dans le paysage français et européen. Des accords commerciaux favorisant les protéines importées, une baisse de leur consommation ont fortement réduit leur culture. Pourtant, leurs atouts écologiques et de nouveaux débouchés pourraient bien changer la donne.

 

 

Il faut bien se l’avouer : en France et en Europe, les légumineuses n’ont pas eu la vie facile au cours du vingtième siècle et début du vingt-et-unième. Quelques chiffres suffisent à le montrer. Avant-guerre, nos grands-parents consommaient 7 kg par an de haricots, lentilles ou pois, alors qu’aujourd’hui, nous n’en mangeons que 1,4 kg. Au début des années 1990, les légumineuses à graines occupaient jusqu’à 800 000 hectares dans nos campagnes. Elles en occupent moins de 200 000 aujourd’hui, soit environ 2 % de la surface des grandes cultures.

 

Qu’est ce qui a conduit à une marginalisation de ces nobles graines, pourtant bien implantées dans la gastronomie française, et qui sont aussi très valorisables en alimentation animale ? C’est la question que s’est posée Marie-Benoît Magrini, économiste à l’unité « Agroécologie, innovations, territoires ».

 

Ses analyses montrent un véritable mécanisme de verrouillage du système productif contre les légumineuses et en faveur des céréales et du soja importé. « Il s’agit d’un choix économique qui se renforce avec le temps et qui contraint d’autant l’apparition d’alternatives », explique la chercheuse. L’origine de ce verrouillage se trouve à la fin de la seconde guerre mondiale. Un traité entre l’Europe et les États-Unis élimine les taxes sur le soja américain. Ainsi, l’agriculture du vieux continent se détourne des légumineuses à graines pour préférer les céréales. L’élevage devient alors dépendant des protéines végétales made in USA et les investissements européens se concentrent sur les céréales.

 

En 1973, les autorités s’inquiètent de cette trop forte dépendance et des « plans protéines » voient le jour. Mais, en ne ciblant que les prix des légumineuses, ils ne créent pas de vrais débouchés et de vraies filières permettant aux pois, féveroles et autres légumineuses à graines, de retrouver durablement leur place dans le paysage agricole. Quand les aides s’arrêtent, leur culture décline face aux meilleurs rendements des céréales.

 

Légumineuses, le retour

Et pourtant, les légumineuses présentent maintenant quelques pousses vertes. Il ne s’agit pas d’un véritable boom, mais des signes qui laissent penser que cette production de protéines végétales pourrait connaître un renouveau. Tout part d’une prise de conscience : la culture de légumineuses, qui ne nécessite pas d’apports d’azote minéral, est profitable pour l’environnement. Par exemple, inclure dans une rotation des cultures une légumineuse, permet de diminuer de 14 % les émissions en gaz à effet de serre. De plus, celles-ci enrichissent naturellement le sol en azote. Dans un monde en surchauffe, les légumineuses ont une valeur au-delà de leur prix sur le marché.

 

Pour Marie-Benoît Magrini, l’État doit soutenir ces avantages environnementaux. Peu à peu on y vient. Comme preuve, la Politique agricole commune (PAC) vient d’inscrire les légumineuses sur la liste des « surfaces d’intérêt écologique », surfaces auxquelles les agriculteurs doivent attribuer 7 % de leurs terres.

 

Du côté des filières en aval de la chaîne de production, les choses sont aussi en train de bouger. Grâce aux légumineuses, l’élevage, notamment les filières de qualité, cherchent à moins dépendre du soja importé.  Par ailleurs, les filières agroalimentaires innovent de plus en plus sur ces espèces. Ainsi, des industriels développent des farines de protéines de pois et de lupin qui entrent dans la composition de divers produits, tels que des plats cuisinés ou des aliments riches en protéines. Ce regain d’intérêt de l’industrie agroalimentaire, ajouté à un coup de pouce politique, pourrait convaincre les agriculteurs de revenir vers ces cultures. Les légumineuses, une culture d’avenir ? Ce pourrait bien être le cas !

 

Les légumineuses se remettent au goût du jour

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L’une des raisons qui expliquent la faible part des légumineuses dans notre alimentation est le temps nécessaire à leur cuisson. Afin de profiter des propriétés nutritionnelles de ces graines, des chercheurs ont développé une gamme de pâtes à base de légumineuses. Ces produits faciles à utiliser pourraient ouvrir de nouveaux marchés aux protéines végétales.

 

 

l était un temps, c’était bien avant l’Internet, où les Français n’hésitaient pas à penser la veille à leur repas du jour. C’était le temps où l’on faisait tremper ses pois-chiches ou ses haricots blancs toute une nuit, avant de les faire cuire des heures durant à feu doux. Aujourd’hui, passer son temps libre à cuisiner est plutôt rare. Les légumineuses souffrent d’une image de produits surannés, de cuisine à grand-maman, de plats trop lourds, trop longs à préparer et qui peuvent provoquer de fâcheuses flatulences. Voilà qui explique, en partie, le déclin de la consommation de légumineuses : si, dans les années 1920, les Français en consommaient 7,5 kg par an, en 2016, ils n’en ingèrent qu’un petit kilo et demi.

 

Et si l’on pouvait changer cet état de fait ? Et si l’on parvenait à réconcilier la vie moderne et les légumineuses, dont les propriétés nutritionnelles sont hors du commun ? C’est à quoi travaillent plusieurs chercheurs, parmi lesquels Valérie Micard, de l’unité de recherche Inra-SupAgro Montpellier.

 

Des spaghettis pas comme les autres

Pour augmenter la part des protéines végétales dans l’alimentation, l’une des options est d’intégrer des légumineuses à des produits faciles à cuisiner, qui se conservent bien et que l’on peut consommer plusieurs fois par semaine. Des produits qui, en outre, gardent toutes les qualités nutritionnelles des légumineuses : leur richesse en protéines, en minéraux, en fibres et en amidon à digestion lente. C’est ainsi qu’est né le projet Pastaleg. Depuis 10 ans, l’équipe de Valérie Micard met au point des pâtes alimentaires faites à base de semoule de blé et de légumineuses. Celles-ci contiennent une teneur élevée en protéines. De plus, l’association entre une céréale et une légumineuse permet d’obtenir la plupart des acides aminés indispensables à notre organisme. Puis, les chercheurs sont allés plus loin et ont réussi à créer des spaghettis 100 % légumineuse. Deux fois plus riches en protéines que des spaghettis classiques, ils pourraient trouver, entre autres, un débouché chez les consommateurs qui fuient le gluten.

 

Ces spaghettis constituent une riche palette : lentilles, fève, haricots, pois-chiches, pois ou pois cassés, chacun peut y trouver son préféré. A chaque légumineuse, un goût différent, parfois assez éloigné de la neutralité des pâtes de blé. Les pâtes ont fait l’objet de tests d’acceptabilité sensorielle en collaboration avec l’Inra de Dijon. « Les premiers résultats démontrent que ces produits sont bien reçus par les personnes qui consomment des pâtes complètes », explique Valérie Micard. La couleur des pâtes varie aussi en fonction de leur matière première : beiges pour les pâtes à base de fève, bleutées pour celles à base de lentilles vertes, blanches pour celles à base de haricots. De quoi attirer l’œil du consommateur vers cette nouvelle gamme de produits !

 

Reste à intéresser les entreprises agroalimentaires, et bien sûr, les consommateurs. Il existe actuellement un effet de mode qui pourrait permettre à ces produits de trouver leur marché. Les régimes pour cœliaques (intolérance au gluten)  et les produits riches en protéines destinés aux végétariens ou végétaliens pourraient amorcer la tendance. Déjà, des industriels s’intéressent au brevet que vient de déposer l’Inra pour les pâtes 100 % légumineuse. D’autant plus que des équipements standards peuvent être utilisés pour leur fabrication.  Mais au-delà des pâtes, les légumineuses pourraient aussi entrer dans de nombreux autres produits : substituts de la viande, pain, yaourts enrichis en protéines végétales. Ensemble, cet éventail de produits, qui peu à peu devrait apparaître dans les rayons, pourrait constituer un débouché à haute valeur ajoutée pour les producteurs de légumineuses. Il permettrait surtout de rééquilibrer la balance en faveur des protéines végétales, qui, en France ne constituent que 30% des protéines consommées.

 

Protéines végétales pour tous les âges

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Les protéines végétales n’ont pas forcément les mêmes caractéristiques que les protéines animales. Les chercheurs tentent de mieux connaître leur valeur alimentaire et leur digestibilité. Par ailleurs, ils cherchent de nouveaux procédés industriels pour augmenter ces qualités alimentaires.

 

 

 

Augmenter la part des protéines végétales dans l’alimentation ? Voilà une bonne idée qui pourrait avoir des bénéfices environnementaux et en termes de santé publique. Mais, pour ne pas faire fausse route, il faut être sûrs de bien connaître leurs caractéristiques et leurs propriétés nutritionnelles. C’est là l’un des objectifs de l’équipe de Stéphane Walrand à l’unité « Nutrition humaine ».  Les chercheurs le savent : comparées aux protéines de la viande ou du lait, les protéines issues des légumineuses ont un moins bon profil en acides aminés. En effet, ces dernières sont pauvres en certains acides aminés soufrés que l’organisme ne sait pas produire efficacement de lui-même.

 

Digérer les légumineuses

Mais ce n’est pas tout. Les protéines végétales sont souvent moins disponibles au sein de l’aliment. Leur assimilation en est ainsi réduite. Par exemple, la digestibilité des protéines d’un plat de lentilles ou de haricots blancs n’est que de 50 % à 80 %, contre 95 % pour les protéines d’un produit laitier. La cause ? « L’intestin de l’Homme est moins adapté pour digérer les matrices végétales que les matrices animales », explique Stéphane Walrand. « Il faut produire plus de protéases pour digérer les protéines végétales. De plus, les matrices végétales contiennent des éléments non digestibles ». En outre, les légumineuses contiennent des éléments tels que des phytates, qui inhibent l’action des enzymes digestives, notamment celles permettant de digérer les protéines.

 

Or, pour les personnes âgées, ces difficultés de digestibilité peuvent devenir un problème. En effet, avec le temps, la partie haute de l’intestin devient moins apte à l’assimilation des nutriments. De plus, pour des raisons encore non comprises, chez les personnes âgées, l’intestin et le foie prélèvent une part plus importante des acides aminés issus de l’alimentation pour leur propre fonctionnement. Résultat, la part des protéines disponibles pour d’autres fonctions diminue, notamment pour le renouvellement des protéines tissulaires, comme le muscle. Voilà pourquoi les chercheurs tentent d’adapter les protéines végétales aux besoins des personnes âgées.

 

Protéines végétales pour tous

Les recherches de Stéphane Walrand tentent de remédier aux problèmes de digestibilité des protéines. Pour cela, son équipe travaille sur des aliments modèles : farines de légumineuses et gels de protéines. Ces produits, qui n’ont pas une visée commerciale, servent à étudier la manière dont l’organisme digère et assimile les protéines. Issus du pois, de la fève ou des lentilles, ces aliments permettent aussi de tester de nouveaux procédés techniques pour augmenter l’efficacité nutritionnelle de ces sources protéiques. Par exemple, les chercheurs ont montré que l’extraction à basse température des protéines du pois ou de la fève permet d’augmenter leur digestibilité. Or, pour l’alimentation des personnes âgées, pouvoir disposer de protéines végétales à digestion rapide serait un atout majeur. Ceci permettrait de proposer des produits adaptés aux personnes âgés et dont la qualité et la quantité de protéines conviendraient à leurs besoins particuliers. Les chercheurs tentent d’ailleurs de mettre au point des yaourts enrichis en protéines végétales issues de légumineuses. Ainsi, grâce à ces innovations, les protéines végétales pourraient apporter leurs bienfaits à tout le monde.

 

Protéines végétales et animales : vers un nouvel équilibre

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Comme le montrent les traditions culinaires du monde entier, il est possible de manger équilibré grâce aux légumineuses. En effet, leur consommation permet de rééquilibrer la balance entre protéines animales et végétales en faveur de ces dernières. Et elles apportent de nombreux bienfaits à l’organisme.

 

 

 

Quel est le point commun entre un couscous nord-africain, un « rice and beans » des Caraïbes et, pour finir en Inde, un daal de lentilles accompagné de galettes chappattis ? Tous ces plats traditionnels combinent une légumineuse (pois-chiches, haricots noirs ou lentilles), et une céréale (blé ou riz). Les gourmets du monde entier avaient compris, bien avant l’arrivée des diététiciens, que cette combinaison est particulièrement riche et équilibrée du point de vue nutritionnel. En effet, ces spécialités apportent à la fois de l’énergie et des protéines. Mais la complémentarité des céréales et des légumineuses va plus loin. « Les céréales sont riches en acides aminés soufrés, mais très déficitaires en lysine. Les légumineuses sont riches en lysine, mais contiennent moins d’acides aminés soufrés. Ainsi, les deux sources de protéines s’équilibrent », explique Stéphane Walrand, chercheur Inra à l’unité « Nutrition humaine ». Dans des régimes pauvres en viande, la consommation simultanée de céréales et de légumineuses permet d’apporter les acides aminés essentiels que notre organisme ne peut pas fabriquer lui-même. De fait, dans le monde, 70 % des apports en protéines proviennent des végétaux.

 

Or, en France, c’est tout le contraire. En moyenne, les français consomment entre 85 et 90g de protéines par jour, dont 60 à 65g sont d’origine animale. Autrement dit 65 à 70% des protéines que nous consommons proviennent donc de l’élevage. Une proportion que les nutritionnistes considèrent excessive. Un retour vers les protéines végétales pourrait avoir bien des bénéfices. Des bénéfices pour la planète, car l’impact environnemental de la production de protéines végétales est largement inférieur à celle des protéines animales. Mais aussi des bénéfices sur notre santé.

 

Légumineuses aux mille bienfaits

De nombreux travaux de recherche montrent les bienfaits des légumineuses sur l’organisme. Riches en fibres, vitamines, minéraux et contenant de l’amidon à digestion lente, peu à peu, leurs atouts nutritionnels se dévoilent. Ainsi, la consommation régulière de légumineuses pourrait aider à prévenir les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2. Un faisceau de preuves tend aussi à montrer qu’elles contribuent à mieux contrôler son poids. Enfin, chez les patients diabétiques, les légumineuses peuvent aider à maintenir l’équilibre glycémique. En effet, consommer des légumineuses limite l’augmentation du sucre dans le sang.

 

Les chercheurs estiment que les plus forts consommateurs de protéines végétales seraient aussi les mieux protégés contre les risques d’infarctus et de cancers. Ces résultats montrent que les légumineuses ont toute leur place dans une alimentation saine et équilibrée. La viande, le lait, les œufs gardent leur importance dans l’alimentation humaine. Les protéines animales restent plus facilement assimilables que les protéines végétales. De plus, viandes, œufs et produits laitiers apportent certains éléments, comme la vitamine B12 ou le fer, que l’on ne trouve pas, ou pas en quantité suffisante, dans les végétaux.

 

Néanmoins, les bienfaits des protéines végétales sur la santé et leur impact positif sur l’environnement constituent un argument de poids pour retrouver un équilibre entre protéines végétales et animales. Mais pour cela, il est nécessaire que les Français retrouvent le goût des légumineuses.

 

Le meilleur de deux cultures

 

Diminuer l’utilisation d’engrais et de pesticides, obtenir des rendements plus constants, voire supérieurs, améliorer la teneur en protéines des grains de céréale : voilà quelques-uns des bénéfices qu’apportent les associations entre légumineuses et céréales. Les chercheurs Inra tentent de mieux caractériser ces systèmes de culture afin de mieux en tirer profit.

 

 

 

Chez les plantes aussi, l’union fait la force. En effet, cultiver en même temps et dans une même parcelle une céréale et une légumineuse apporte de nombreux bénéfices à l’environnement et augmente les chances de succès pour la récolte. De nombreux agriculteurs, le plus souvent des filières biologiques, se mettent à l’heure des associations de cultures.
Marie-Hélène Jeuffroy, chercheuse Inra au Centre de Versailles-Grignon, en dévoile quelques-uns des bénéfices : « Ce système permet de réduire l’utilisation d’herbicides, tout en réduisant les infestations de mauvaises herbes. En effet, les associations permettent de couvrir le sol plus efficacement et plus rapidement. On réduit aussi l’usage de fongicides, car chacune des espèces exerce un « effet barrière » vis-à-vis des spores des champignons pathogènes nuisibles sur l’autre espèce. De plus, en présence de deux cultures, la dynamique d’évolution des maladies est plus lente ».

 

L’alliance céréale-légumineuse permet aussi de réduire notablement l’apport d’engrais chimiques. En effet, les légumineuses, grâce aux bactéries symbiotiques qu’elles nichent dans leurs nodosités racinaires, sont capables de fixer l’azote atmosphérique. « En culture pure, les doses d’azote apporté avoisinent souvent 150 à 180 unités d’azote par hectare de blé. En association, on recommande un maximum de 40 à 60 kg/ha», indique Marie-Hélène Jeuffroy. Or, les engrais de synthèse sont la principale contribution à l’effet de serre de l’agriculture. A l’heure de la lutte contre le changement climatique, on comprend le regain d’intérêt pour les associations de cultures.

Mais ce n’est pas tout. Les associations permettent souvent des rendements plus stables, notamment quand les conditions climatiques sont difficiles, ou lorsque les sols sont pauvres. En effet, les deux espèces ne sont pas sensibles de la même façon aux conditions environnementales. Si l’une des cultures peine, l’autre prend le relais.

 

Associations sans limites

Pois-blé, pois-orge, lentille-lin, lentille-seigle, soja-sarrasin, féverole-blé, pois-avoine, lupin-maïs : les chercheurs Inra ont répertorié pas moins de 38 associations de cultures différentes cultivées par les agriculteurs à la créativité sans limites. Certaines, très originales, mélangent trois, voire quatre espèces ensemble.

 

Mais quelles sont les meilleures associations ? Tout dépend de l’objectif de l’exploitant ! Cherche-t-il un rendement maximum ou bien à utiliser moins d’intrants ? Espère-t-il une bonne récolte sur un sol pauvre et sec, ou bien à obtenir un fourrage de qualité pour ses animaux ? A chaque situation, une solution adéquate. Afin d’aider les agriculteurs qui souhaiteraient se lancer dans l’association de cultures, les chercheurs Inra préparent un outil d’aide à la décision. Pour le mettre au point, ils enquêtent auprès des agriculteurs qui cultivent ces associations, étudient leurs pratiques et les performances qu’ils atteignent et synthétisent leurs savoirs. Ils réalisent aussi des modélisations en fonction des espèces cultivées, des caractéristiques du sol et des conditions climatiques, pour étudier la variabilité de la production en fonction des techniques culturales appliquées. Ainsi, parmi une large gamme d’associations de cultures possibles, les chercheurs pourront trier le bon grain de l’ivraie. Ils apporteront en outre une aide aux exploitants qui ne pratiquent pas encore ce type de culture à choisir l’association la plus pertinente pour leurs objectifs, et à mieux baliser les itinéraires techniques. L’idée est d’ouvrir aux associations de cultures de nouveaux champs, et, peut-être même, gagner du terrain dans l’agriculture classique qui préfère encore les cultures pures.

 

Des protéines made in France pour alimenter nos animaux

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L’élevage français dépend des importations de soja. Or, les légumineuses comme le pois ou la féverole sont d’excellents fournisseurs de protéines pour l’alimentation animale. Le développement de leur culture pourrait diminuer cette dépendance, et améliorer la traçabilité des produits animaux.

 

 

 

 

Qu’est ce qui donne du muscle aux animaux des élevages français ? Ni plus ni moins que le soja. L’alimentation animale reste très dépendante de cette graine à très forte teneur en protéines, même si les autres constituants de la ration comme les céréales, les tourteaux de colza ou de tournesol par exemple, contribuent aussi à la couverture des besoins en protéines des animaux. Ainsi, l’élevage en France et en Europe dépend d’une matière première produite essentiellement aux USA, au Brésil et en Argentine.

 

Mais alors, que se passerait-il si un jour, une mauvaise récolte venait interrompre ces importations ? Ou encore, si l’appétit de pays émergents, la Chine en particulier, rendait plus cher et plus instable cet afflux de soja ? Réduire cette dépendance vis-à-vis des protéines importées est une vraie question stratégique européenne.

 

Les légumineuses sont la voie royale pour réduire cette dépendance. D’autant plus que ces cultures ont d’autres atouts. Elles pourraient en effet répondre au problème de la traçabilité de l’alimentation animale. Rappelons que le bio, le label rouge et certaines marques commerciales exigent aux éleveurs de proscrire le soja OGM. Ceci pourrait aiguiller un retour à la production de protéines produites localement.

 

Profils alimentaires

Mais, pour Michel Lessire, spécialiste de l’alimentation animale, l’argument décisif en faveur du pois, de la féverole ou du lupin est qu’ils sont bons pour les animaux. Les légumineuses sont d’excellentes sources de protéines et d’énergie. Leurs teneurs en acides aminés sont plus proches des besoins des animaux que celles du soja. Ainsi, les producteurs d’aliments ne verraient que des avantages à les incorporer aux formules destinées aux porcs, ruminants et volailles. Les chercheurs ont montré que les pois peuvent parfaitement se substituer au soja dans les aliments pour les porcs. Leurs régimes pourraient contenir jusqu’à 30% de ces graines. De même, pois et féveroles pourraient constituer entre 15 et 20 % de la ration des poulets et des ruminants. Les légumineuses pourraient même se substituer en partie aux farines de poissons destinées à l’aquaculture.

 

Dans un autre registre, les légumineuses fourragères présentent un grand intérêt pour l’élevage bovin. Ainsi, les prairies qui associent des légumineuses comme le trèfle à des graminées ont un effet positif sur la croissance des ruminants. Quelques bémols, cependant, à l’utilisation des légumineuses. La féverole ou le pois contiennent des éléments dits « antinutritionnels » qui peuvent réduire la digestibilité de leurs protéines et diminuer les performances de croissance des animaux. Mais les chercheurs Inra travaillent à combattre ces nuisances. En partenariat avec des instituts techniques, l’interprofession et des entreprises, ils testent l’efficacité de certains traitements technologiques. « Une partie de ces éléments peut être détruite par chauffage. Le dépelliculage des féveroles permet d’augmenter de quelques pour cents le taux de protéines et de réduire le taux d’éléments non digestibles », rappelle Michel Lessire.

 

La loi de l’offre et de la demande

Alors, que manque-t-il aux légumineuses pour accroître leur part, encore marginale, dans l’alimentation animale ? Pour Michel Lessire, le verrou se trouve au niveau de l’offre. Avec moins de 200 mille hectares cultivés, les légumineuses ne peuvent pas encore prendre des parts de marché au soja importé. Mais les atouts des légumineuses sont tels que rien n’empêche d’imaginer, pour un avenir proche, une production dynamisée par la demande des éleveurs français. Ces protéines maison pourraient ainsi donner de nouveaux muscles à toute la filière agroalimentaire.

 

Créer les variétés de légumineuses de demain

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Le renouveau de la production de légumineuses passe par une amélioration des variétés disponibles pour les agriculteurs. En amont, les chercheurs tentent de créer des lignées plus résistantes ou ayant des propriétés nutritionnelles améliorées. Pour ce faire, ils décortiquent et exploitent la grande richesse génétique de ces espèces.

 

 

Année après année, avec patience, l’Inra s’est doté d’une immense collection de légumineuses : pois, féveroles, lupins venus du monde entier. Ce n’est pas une lubie, bien entendu. Ces collections constituent de grands réservoirs de gènes et de caractères grâce auxquels les chercheurs tentent de répondre aux nombreux défis que pose la culture de ces espèces. « En association avec les semenciers, nous tentons de créer les variétés de demain », indique Gérard Duc, chercheur au département biologie et amélioration des plantes à l’Inra. Pour que les légumineuses retrouvent leur place dans les champs, les agriculteurs doivent avoir accès à des variétés performantes, résistantes et adaptées à de nouvelles zones et systèmes de production. Si, grâce à la recherche agronomique, les céréales ont connu de véritables bonds en avant en productivité, c’est maintenant au tour des légumineuses de bénéficier d’innovations.

 

À la recherche des meilleurs gènes

Afin de permettre la création de nouvelles variétés, les chercheurs Inra développent des outils de tri afin de sélectionner rapidement des caractères et des gènes intéressants à chaque situation ou objectif. Ces outils peuvent servir, par exemple, à cibler des légumineuses adaptées au semis d’automne, ou qui peuvent croître dans des zones de production plus difficiles. Ainsi, dans le cadre du projet national des Investissements d’Avenir PeaMust, qui associe laboratoires, sélectionneurs privés et industriels, les scientifiques cherchent des solutions génétiques pour obtenir des plantes résistantes à différents stress : gel, maladies ou insectes parasites comme la bruche.  Ils cherchent aussi des gènes qui permettent aux légumineuses de mieux développer leurs racines et d’augmenter l’efficacité de leur symbiose avec les bactéries qui assimilent l’azote de l’air.

 

Autre exemple : la lutte contre un champignon agresseur du pois, Aphanomyces euteiches qui s’attaque aux racines des plantes et les font pourrir. Impossible de lutter contre ce pathogène souterrain par des moyens chimiques. Résultat : une parcelle attaquée connaîtra des rendements médiocres. Mais voilà, les chercheurs ont trouvé, au sein des collections de pois, des plantes qui résistent mieux. Grâce à des analyses génétiques, ils ont identifié différents facteurs génétiques qui les protègent partiellement du champignon.

 

Penser aux débouchés des légumineuses

Les chercheurs veulent aussi satisfaire les besoins des filières aval et des consommateurs qui ont besoin de graines de qualité, ayant un taux élevé et stable de protéines tout en maintenant les performances de rendement. C’est dans cette logique que les chercheurs tentent d’obtenir des variétés à meilleure valeur nutritionnelle pour les animaux ou l’homme. La diversité de composition des protéines, amidons et fibres révélée dans les collections de ressources génétiques permettrait de mieux adapter l’offre variétale aux attentes alimentaires. Les graines de pois et féveroles contiennent des tanins qui réduisent la digestibilité des protéines. Les graines de féveroles contiennent des molécules comme la vicine et la convicine qui diminuent les performances des poules pondeuses et des poulets de chair. Toujours en utilisant la richesse génétique des collections, ils sont parvenus à créer des variétés dont la teneur en ces facteurs dits « antinutritionnels » est très faible. Ceci leur donne un attrait supplémentaire vis-à-vis des producteurs d’aliments pour animaux. De telles variétés issues des collaborations entre la recherche publique et privée sont déjà au catalogue français à disposition des agriculteurs.

 

Rendements améliorés, variétés plus adaptées aux filières agroalimentaires et à l’alimentation animale, bienfaits environnementaux : un renouveau de la culture des légumineuses semble bel et bien en marche et à portée de main.

 

Source : http://www.inra.fr/Grand-public/Alimentation-et-sante/Tous-les-dossiers/Legumineuses-retour-des-proteines-végétales

 

 

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