La féverole est la seule légumineuse à graines cultivées en Hauts-de-France très peu valorisée en alimentation humaine. Pour créer ce débouché, Bio en Hauts-de-France s’est engagée dans le projet Fév’Innov. Visite chez Improve, à Dury, où on cherche à en tirer le maximum de bénéfices nutritifs.
« Grâce au turbséparateur, on passe d’une graine de féverole riche de 30 % de protéines, à une farine riche de 65 % de protéines», explique Chloé Tattegrain, ingénieure chez Improve. » © A. P.
Triée, décortiquée, broyée, passée au turboséparateur pour valoriser ses éléments au maximum… Les qualités de la féverole sont exploitées dans les locaux d’Improve à Dury, plateforme dédiée à la valorisation des «protéines du futur». Ce 8 novembre, Bio en Hauts-de-France y organisait une visite, car un enjeu fort se joue sur ce site : celui de développer les débouchés de l’alimentation humaine, plus rémunérateurs que ceux de l’alimentation animale.
«Les légumineuses, comme la féverole, sont des cultures très importantes dans les systèmes biologiques, car en captant l’azote atmosphérique, elles maintiennent la fertilité des sols», présente Antoine Stoffel, conseiller grande culture chez Bio en Hauts-de-France. L’intérêt agronomique de la féverole n’est plus à démontrer. Des techniques culturales permettent aussi de dépasser les limites qu’elle présente en production. «Pour limiter le salissement des parcelles en début de cycle, car la féverole est longue à se développer, et en fin de cycle, lorsqu’elle perd ses feuilles, nous conseillons de l’associer avec 20 % de céréales.» Un vrai bénéfice pour le blé, qui gagne 0,5 à 2 points de protéines en culture associée. «Reste que le blé n’est pas évident à trier.» Des essais ont aussi été menés avec du grand épeautre, du petit épeautre, de l’avoine nue…
Miser sur la transformation
L’enjeu est désormais de valoriser cette légumineuse à graine pour l’alimentation humaine. «C’est l’objectif du projet Fév’Innov né en 2020.» La légumineuse souffre en fait de méconnaissance. «Pour beaucoup, seuls les animaux d’élevage la consomment. Les Égyptiens en mangent pourtant beaucoup.» Cette filière d’export souffre cependant des attaques de bruches sur les graines, depuis l’interdiction d’une solution de conservation. «Ce coléoptère pond ses œufs sur les gousses. La larve se développe dans la graine et l’insecte adulte en sort en y faisant un trou. La graine reste comestible, mais son aspect le rend invendable.» Plusieurs structures travaillent à des méthodes alternatives de lutte. La transformation se présente comme une bonne solution.
Les procédés sont donc affinés dans les 800 m2 de halle technique et 170 m2 de laboratoires d’Improve. «Ici, on cherche à accélérer la mise sur le marché de nouveaux produits à base de protéines végétales, notamment le pois et la féverole. On crée des références que les agroindustriels utilisent ensuite à leur échelle», explique Chloé Tattegrain, ingénieure voie sèche chez Improve. Le turboséparateur est un outil précieux pour cela. «Il permet de séparer l’amidon de la protéine. Pour la féverole, on passe ainsi d’une graine riche de 30 % de protéines, à une farine riche de 65 % de protéines.» Un atout qui devrait séduire les industries agroalimentaires en quête de produits plus sains pour l’environnement. «Le soja, par exemple, permet d’atteindre 90 % de protéines. Mais sa transformation est plus coûteuse en eau et en énergie.»
De la R&D à la production à façon
De plus en plus, Improve développe son activité de production à façon. «Au départ, nous étions surtout spécialisés en R&D. Mais la demande de transformation des productions régionales est de plus en plus importante», note Chloé Tattegrain, ingénieure chez Improve. Aujourd’hui, la plateforme transforme environ 1 t de produits par jour, à raison de cinq jours d’activité par semaine, pour une petite centaine de producteurs de la région. «Nous sommes équipés de trieurs optiques. Nous pouvons ensuite décortiquer, concasser, broyer en farine, passer au turboséparateur… Et même transformer en pellets.» Les pellets de pellicule de pois, au pouvoir combustible avéré, sont une des dernières innovations. Pour répondre à la demande croissante, la plateforme va s’étendre avec la construction d’une petite usine supplémentaire en 2024, voisine du site existant.
La tartimouss, pâte à tartiner à base de féverole, est le produit phare de Graine de choc.© A. P.
Comment la féverole se mange-t-elle ? «Elle ne fait pas partie de nos habitudes. Une culture culinaire est à inventer», avoue Éva Coudray, chargée de mission à Bio en Hauts-de-France. Plusieurs acteurs s’y penchent. C’est le cas d’étudiants de l’ISA, à Lille, qui ont élaboré des recettes type mousse, falafels, purée… Le restaurant biotufull, à Arras, qui propose une carte 100 % bio, s’y intéresse aussi. Jérôme Hochin, producteur bio de Fosseux (62), commercialise sa farine de féverole en direct grâce à sa meunerie à la ferme. Enfin, Béatrice Maire, installée à Beuvraignes (80), a fait de cette légumineuse l’ingrédient premiers de ses produits, commercialisés sous la marque Graine de choc. En septembre 2017, la chocolatière autodidacte découvre la féverole sur le stand de la coopérative Agora lors d’une manifestation agricole. Après quelques échanges avec un des responsables, elle repart avec 5 kg de graines pour les cuisiner. Elle a l’idée de la décliner en pâte à tartiner au chocolat. Sa Tartimouss est aujourd’hui son produit phare. Préparations pour cookies, pour pain, gaspacho féveroles-céleri-citron, polenta, veloutés… Sa gamme de produit s’étoffe de plus en plus.