Intégrer du pois dans sa rotation pour l’incorporer à la ration des vaches ensuite est en phase avec l’ambition d’autonomie protéique du territoire, mais il ne faut pas oublier l’aspect rentabilité face aux cultures de vente. (©Terre-net Média)
On parle beaucoup d’autonomie alimentaire par les fourrages mais quid des concentrés pour faire du lait ? Sans forcément remplacer la totalité des aliments du commerce, la graine de pois peut être intéressante pour réduire les coûts alimentaires sans dégrader les performances. Explications de Jérôme Larcelet, nutritionniste chez Seenorest.
La graine de pois c’est 45 % d’amidon et 20 % de protéines : « c’est un aliment équilibré qui peut répondre à une problématique d’énergie mais aussi de protéines dans une ration vaches laitières », présentait Jérôme Larcelet, conseiller spécialisé en nutrition pour Seenorest, à l’occasion d’une conférence organisée au salon de l’herbe dans les Vosges.
Si l’on peut avoir en tête des facteurs anti nutritionnels pour le pois, il faut savoir qu’un gros travail a été fait sur les variétés d’aujourd’hui donc il n’y plus trop ce problème. Le pois est seulement riche en tanins mais cela n’est pas gênant en bovins.
Lui qui suit des élevages de la Meuse, la Meurthe-et-Moselle, et les Vosges, il se veut encourageant : « Le Grand Est est la première région productrice de pois protéagineux. C’est une culture qui s’intègre bien dans les rotations (en pure ou en association d’ailleurs — le mélange triticale/pois étant fortement utilisé en bio), c’est un très bon précédent blé et colza. Malheureusement, les débouchés diminuent depuis quelques années, mais si un éleveur y voit un intérêt dans sa rotation et pour nourrir son troupeau, c’est tout bénéfique ! »
Des valeurs alimentaires entre le tourteau de colza, le blé et le maïs
« On est à 20 points de MAT par kg brut et 1 UFL. Et avec une teneur en amidon plus faible que le blé, ça en fait un très bon complément pour les veaux non sevrés : la graine, distribuée entière et à volonté avec un complément minéral, est très appétente. Pour les génisses, il faudra broyer la graine grossièrement et la distribuer avec un complément minéral ».
Pour les vaches laitières, le pois est un bon aliment de production : « il équivaut à une VL 3 litres et il est assez appètent pour passer au robot ou au Dac ». En complément, le pois est riche en lysine (un acide aminé essentiel pour les ruminants), ce qui fait de lui un bon complément au tourteau de colza (qui lui est riche en méthionine). Son seul bémol : 130 g de matière azotée soluble, c’est un peu trop, d’où l’importance de ne pas broyer la graine trop finement pour ne pas rendre l’azote encore plus dégradable.
Du côté du stockage, pas de souci particulier : la graine se stocke bien si l’humidité ne dépasse pas les 15 % à la récolte. « Le pois n’a que très peu de mycotoxines, et n’est pas trop soumis aux insectes, le seul risque se situe autour des larves de bruche », prévient l’expert.
Quid du toastage ?
On parle beaucoup de toastage de protéagineux ces derniers temps. Pour le pois, les avis divergent. Jérôme Larcelet rappelle : « Les intérêts du toastage sont de détruire les facteurs antinutritionnels, de diminuer la dégradabilité de l’azote dans le rumen, d’augmenter les PDIA et d’améliorer la conservation. Mais ces intérêts ne se retrouvent pas forcément dans les performances des animaux… »
Alors, toaster ou pas, telle est la question… « Il faut regarder l’économie : le pois est actuellement autour des 265 €/t (480 €/t en AB), ça monte à 335 €/t avec le toastage. En termes de correspondance, on est pour 1 kg de pois toasté à 0,6 kg blé + 0,4 kg tourteau de colza tanné, ce qui fait environ 310 €/t donc ça ne vaut pas le coup. Par contre face à une VL à 20 % de MAT (environ 460 €/t), ça peut être intéressant. » C’est d’autant plus vrai en bio où le prix de l’aliment de production est très cher.
Raisonner à l’échelle du territoire plutôt qu’à l’exploitation
Intégrer du pois dans la ration de ses vaches ne veut pas pour autant dire remplacer 100 % du tourteau car cette solution revient forcément à diminuer les surfaces de cultures de vente et donc altérer les résultats économiques de l’exploitation. « Il faut trouver un équilibre et l’intégrer de façon raisonnée dans la rotation, tempère le conseiller. Même si les nouvelles mesures Pac encouragent ce type de culture, il peut être dans certains cas plus intéressant d’acheter du pois plutôt que de retirer du blé de sa surface. »
Pour Jérôme Larcelet, l’intérêt du pois se raisonne plutôt à l’échelle globale : « Quand on parle d’autonomie, il faut voir ça à l’échelle du territoire et pas seulement de son exploitation. » Il insiste : « Un éleveur pourrait par exemple racheter le pois à un céréalier qui l’intègre pour ses avantages agronomiques. » Ce sont des partenariats gagnants/gagnants à trouver…
Source : https://www.web-agri.fr/concentres/article/841229/des-pois-dans-la-ration-des-vaches-pour-allier-performance-et-maitrise-des-couts